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Critique

Aux Amandiers, les grandes embardées de «la Célestine»

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Théâtre . En diptyque de la pièce tragicomique de Fernando de Rojas, Christian Schiaretti monte le «Don Juan Tenorio» de Tirso de Molina, à Nanterre.
publié le 29 mars 2011 à 0h00

A l'acte XXI et dernier de la Célestine, Pleberio pleure sa fille, Mélibée, qui vient de se jeter de la terrasse pour suivre dans la mort Calixte son amant. «O Monde, Monde! On a beaucoup parlé de toi, on a parlé par ouï-dire mais moi je dirai par expérience quelles sont tes fausses propriétés […].» La représentation dure depuis près de quatre heures, certains sont légitimement fatigués et pourtant, à cet instant, les têtes se relèvent, les oreilles se tendent.

Miette. La déploration de Plebeiro a été écrite il y a plus de cinq siècles par Fernando de Rojas. Dans la traduction de Florence Delay (1), et par la bouche d'Alain Rimoux, on n'en perd pas une miette. Ce n'est pas à Dieu, totalement absent, que Pleberio crie son désespoir, mais au monde, c'est-à-dire au néant. «Du Monde je me plains parce qu'il m'a donné la vie. S'il ne me l'avait pas donnée, je n'aurais pas conçu Mélibée, si elle n'était pas née, elle n'aurait pas aimé, et si elle n'avait pas aimé, ma déploration n'aurait pas lieu d'être. O ma fille brisée ! Pourquoi n'as-tu pas voulu que j'empêche ta mort ? Pourquoi n'as-tu pas eu pitié ? Pourquoi t'es-tu montrée si cruelle envers ton vieux père ? Pourquoi m'as-tu laissé triste et seul dans cette vallée de larmes ?» Dernière tirade de la pièce, ce morceau de bravoure est pour les écoliers du monde hispanique l'équivalent du «To be or not to be» d'Hamlet pour les anglophones, ou du «Songe, songe, Céph