Sur le roman de Yannick Haenel, paru à la fin 2009 chez Gallimard, la polémique a déjà eu lieu. A partir du témoignage de Jan Karski tel qu'il figure dans le film de Claude Lanzmann, Shoah, sorti en 1985, Haenel a construit un livre en trois parties, qui bascule du documentaire à la fiction. Membre de la résistance polonaise en 1942, Karski raconte dans le film comment il fut chargé par deux responsables d'organisations juives polonaises d'un message à l'attention des Alliés pour les informer sur l'extermination des Juifs en Pologne. Les deux hommes le firent entrer clandestinement dans le ghetto de Varsovie, puis à l'intérieur même d'un camp d'extermination. Devant la caméra de Lanzmann, Karski revit cette expérience, et parle de l'incrédulité de ses interlocuteurs, à Londres et à Washington, quand il raconte ce qu'il a vu.
Abandon. Le chapitre 1 du livre de Haenel reprend les propos de Karski dans Shoah. Le chapitre 2 est un résumé du livre que Karski fit paraître aux Etats-Unis en 1944 sous le titre Story of a Secret State. Le chapitre 3 est celui qui fit polémique. Haenel y imagine un Karski (décédé en 2000) non seulement obsédé par les fantômes du passé, mais développant la thèse d'un abandon délibéré des Juifs d'Europe par les Alliés. «Tous ils savaient, mais ils faisaient semblant de ne pas savoir […] Les Anglais étaient renseignés, les Américains étaient renseignés. C'est en connaissance de cause qu'ils n'ont pas cherché