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Libération
Critique

Suicidé mode d’emploi

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Une pièce de l’ère soviétique, avec saucisson.
publié le 8 juillet 2011 à 0h00

Une nuit, pris d'une fringale de saucisson, Sémione Sémionovitch, chômeur de son état, réveille son épouse Maria. D'engueulade en quiproquo, l'affaire du saucisson tourne vinaigre. Sémione menace de se suicider et devient l'attraction de son immeuble communautaire, de son quartier et même de l'Union soviétique naissante. Nicolaï Erdmann acheva sa pièce en 1926, eut la «chance» qu'elle ne soit jamais jouée et ne publia plus rien. Rare exception parmi les écrivains de sa génération, il parvint à survivre au stalinisme et à la prison, et mourut dans son lit en 1970, onze ans avant la première représentation du Suicidé dans son pays.

Le portrait de la jeune société soviétique est réjouissant : de l’intellectuel radoteur au pope libidineux en passant par le bolchevique abruti, Erdmann s’amuse tant qu’il est encore temps, comme beaucoup d’autres de son époque - Boulgakov, Daniil Harms… -, bientôt réduits au silence. Sommé de se suicider par tous ses visiteurs, Sémione a de plus en plus de mal à échapper au piège.

Merveille de fantaisie, la pièce tient de la virée alcoolisée, avec moult embardées politico-existentielles. Défenseur d'un théâtre de «troupe», Patrick Pineau entraîne dix-sept camarades de jeu sur la piste du Suicidé. En 2004, dans la cour d'honneur, il s'était risqué à un Peer Gynt d'Ibsen, aussi inégal qu'attachant. Défauts et qualités sont toujours là. Et d'abord la sensation que les acteurs suivent les événements plus qu'ils ne les maîtrisen