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Libération
Critique

Tragédie de «l’Homme inutile»

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Théâtre. Signé Iouri Olecha, une comédie soviétique des années 20, prise très au sérieux par Bernard Sobel qui l’adapte au théâtre de la Colline.
publié le 13 septembre 2011 à 0h00

Bernard Sobel revient à Olecha. Quatre ans après avoir fait découvrir le Mendiant ou la mort de Zand, il présente à la Colline l'Homme inutile ou la conspiration des sentiments. Une pièce tirée de l'Envie, le roman le plus célèbre de Iouri Olecha, figure phare des jeunes lettres soviétiques dans les années 1920, réduit au silence à partir du milieu des années 30 jusqu'à sa mort en 1960, littérairement et humainement anéanti par le stalinisme, comme ses contemporains Daniil Harms, Nicolaï Erdmann, Andrei Platonov et, bien sûr, Mikhaïl Boulgakov, l'auteur du Maître et Marguerite.

Trust. Dans l'Homme inutile, on retrouve les personnages de l'Envie, et d'abord Andreï et Ivan Babitchev, les frères ennemis. Le premier, directeur d'un trust et communiste triomphant, est un pur produit de la Nouvelle politique économique mise en place en 1921 qui, en matière industrielle, préconise un retour «limité» au capitalisme. Son frère, Ivan, est un clochard rétif à l'idéal collectif, un nostalgique de l'ancien monde. Troisième larron, Kavalerov, «l'homme inutile» du titre, écrivain raté, est aussi un inadapté de la Révolution, qui a été recueilli pour des motifs obscurs, par Andreï, le communiste. Tous trois se disputent les faveurs de la jeune Varia, fille adoptive d'Ivan. Bernard Sobel a politiquement raison quand il souligne la dimension «prophétique» de la pièce. L'affrontement entre tenants du passé et constr