Deux ans après l’Opéra de quat’sous de Brecht et Kurt Weill, voici le Berliner Ensemble de retour au Théâtre de la Ville, pour une mise en scène signée Bob Wilson. Entre le metteur en scène américain et la troupe allemande, la courant passe par un retour à l’expressionnisme. Visuellement, Lulu, le nouveau spectacle, est un sommet d’élégance en noir et blanc, un grand cabaret macabre peuplé de pantins au visage enfariné et aux lèvres peintes. Avec, pour commencer, une parade comme un cauchemar d’enfant, où les pas des vilains messieurs résonnent dans l’escalier bien avant qu’ils n’apparaissent, comme si tous les vautours en frac marchaient avec la jambe de bois de Long John Silver…
Variation sur le mythe de Pandore achevée en 1913, la pièce de Frank Wedekind qui inspira le film de Pabst (1929) et l’opéra d’Alban Berg (1935), a traversé un siècle sans vieillir. Violée par son père, vendue à un vieux pédéraste, Lulu la petite marchande de fleurs devient une croqueuse d’hommes qui sème les cadavres sur sa route, de Berlin à Paris, avant de finir sous le couteau de Jack l’Eventreur, dans le bouge londonien où elle se prostitue.
Choc. Ce fil mélodramatique, la mise en scène de Bob Wilson commence par le casser. D'abord, en introduisant plusieurs séquences qui se situent à la fin de la pièce, comme si toute l'histoire était vécue de façon rétrospective par son héroïne éviscérée. Surtout, la musique, les chansons et les récitatifs, composés par Lou Reed (lire c