De l’inconvénient de vivre dans un pays où jamais rien n’est censé arriver, l’auteur norvégien Arne Lygre tire un argument dramatique majeur. Hantés par le pressentiment de la catastrophe, ses personnages sont également capables d’empathie presque maladive à l’égard du malheur d’autrui.
Dans Je disparais (1), dont Stéphane Braunschweig présente la création mondiale au Théâtre national de la Colline à Paris, «Moi» (l'héroïne de la pièce) n'arrête pas de se glisser hors d'elle-même et de se prendre pour d'autres. Comme si son imaginaire ne trouvait à s'exercer que dans un monde virtuel. Elle est telle un enfant qui parle seul en jouant dans sa chambre, projeté dans son ailleurs. Cette capacité à s'évader est aussi une forme de conjuration. «Moi» convoque le pire pour supporter une réalité peu réjouissante : elle doit quitter la maison où elle a toujours vécu. Sans que la cause de ce départ soit réellement explicitée. Exil économique, politique ? «Moi» attend «Mon Mari», qui ne vient pas. Et il est bien possible - c'est ce que peut suggérer la fin de la pièce - que le départ forcé de «Moi» soit tout bêtement causé par une séparation qu'elle refuse d'accepter.
Dans son bref avant-propos à Je disparais, Arne Lygre explique que l'on trouve dans sa pièce «trois niveaux textuels. La suite habituelle des répliques, des sortes d'indications scéniques en gras, et le texte en italique : la parole de ceux dont il est fait mention.» Ces trois niveaux introduisent