De spectacle en spectacle, l’univers de François Tanguy ne change guère en apparence. Panneaux mobiles dans la pénombre, comédiens en équilibre sur des planches, ou sortant d’armoires démembrées pour échanger leurs costumes - fracs, robes de mariée, vieux oripeaux et accessoires de malles de grenier -, la compagnie du théâtre du Radeau recompose sans cesse une suite de tableaux oniriques, qui fascinent et font rêver hors de la raison. Les dernières productions pouvaient laisser penser qu’un système s’était installé, où la musique prenait une part essentielle, appuyant sur l’émotion à coup d’arias sublimes ou d’extraits symphoniques spectaculaires, au risque de transformer les images en illustrations de la bande-son.
Onzième, la nouvelle production, créée au Théâtre national de Bretagne de Rennes pour le festival Mettre en scène et bientôt à l'affiche du théâtre de Gennevilliers, marque un changement de cap salutaire. Question de dosage. La musique est toujours présente et puise aux meilleurs (Beethoven, dont le Quatuor à cordes n°11 fournit son titre à la pièce, Purcell, Bach, Schubert, Verdi, Tchaïkovski, Sibelius, Schoenberg, Penderecki, Luigi Nono…), mais elle n'est plus l'élément dominant.
Le texte acquiert dans Onzième une place qu'il a rarement eue. Au commencement, voici plus de vingt-cinq ans, le théâtre du Radeau était quasi muet, et la parole souvent réduite à un grommellement lancinant qui, pièce après pièce, est devenu de plus en plus in