Seule sur scène, elle raconte son histoire. Tout est vrai, elle en a même enlevé. C’est drôle, caustique, émouvant, parfois maladroit. Sincère, toujours. Elle détaille le chemin de croix de ceux qui vivent dehors. Elle est cette balle qu’on se renvoie de guichet en guichet. Elle arrange le portrait des gens qu’elle a croisés. Le soir où on l’a vue, elle a mis du temps à entrer dans la danse. Pas vraiment dedans, guettant les réactions, et puis, d’un coup, elle est partie, et là on l’a vue telle qu’elle est, poussant un drôle de cri, celui d’une fille à l’énergie intacte. Grand sourire et belles dents blanches.
Voilà Elina Dumont, 43 ans. Une vie des rues et quand même des dents blanches. C'est important, les dents blanches. Quatre ans de soins chez le dentiste, pour elle. Aux gens qu'elle croise, ça fait un peu moins peur. Ça pose une femme. Surtout une femme qui a connu les affres du dehors. Elle ne paraît pas trop «marquée» par ce qu'elle a vécu. On voudrait écrire le portrait d'une fille qui s'en est sortie. Elle s'énerve presque : «Ça veut dire quoi, s'en sortir ?» Débit haché, rapide, elle passe du coq à l'âne. Convaincre, expliquer : jamais, elle ne s'arrête. Le silence paraît lui faire peur. Elle a la voix gouailleuse et élimée, un bagout des boulevards, des jurons de poissonnière. Elina Dumont vient de fêter ses 39 ans. Et se retourne sur cette enfant de la Ddass élevée chez des paysans du Perche. «Le père et la mère Trognon» lui ont appris