Bagarre entre ados dans un établissement scolaire difficile : la première scène de Cancrelat, pièce de la jeune (29 ans) auteure écossaise Sam Holcroft (1), semble porter la marque du réalisme documentaire. Entre les «Tu dégages de là !» et les «Connard de merde !», Beth, l'enseignante, a du mal. Tout est criant de vérité et pourtant sujet à caution. Bizarre, cette manie qu'a la prof de communiquer par talkie-walkie : «Ici la salle 11 pour le bureau des surveillants. Vous me recevez ?»
Derrière les histoires de filles qui s’insultent, de carreaux cassés et de flirt en cours de biologie, une autre réalité apparaît. La guerre dans les murs de l’école n’est qu’un faible écho de la vraie guerre ravageant le pays. Bientôt, les garçons de la classe partiront au front et les filles trieront des tas d’uniformes tachés de sang. La guerre traitée non comme un événement historique mais comme le présent ou le futur proche d’un pays qui ressemble à la Grande-Bretagne : il y a dans la pièce de Sam Holcroft une dimension épique, qui rappelle Edward Bond. Portée par la vraisemblance du pire, l’histoire distille le malaise en oscillant entre trivial et allégorie, comédie sociale et tragédie.
La pièce a été pour la première fois mise en voix en français en 2010 au Théâtre Ouvert, avec de jeunes acteurs dirigés par Sophie Loucachevsky. Le vétéran Jean-Pierre Vincent a repris le flambeau et mène d’une main sûre ses sept jeunes comédiens (Suzanne Aubert, Daphné