De l’humour de Christoph Marthaler, la première séquence donne une idée précise. Le pianiste (Bendix Dethleffsen) débarque dans un lieu au statut imprécis, tenant du laboratoire de langues - avec ses cabines, ses magnétophones et casques -, du studio de répétition, du débarras et de l’appartement en duplex (escalier à rampe collé contre un mur). Le pianiste, donc, ne paie pas de mine, costume étriqué, coiffure improbable (cheveux relevés en corne, de part et d’autre de la raie au milieu) : un cousin allemand des Deschiens (il existe une parenté physique entre les acteurs de Jérôme Deschamps et ceux de Christoph Marthaler).
Il s’installe au piano et se met à jouer, divinement bien. Au bout d’un moment, un écran de télévision s’allume, la caméra est braquée sur le clavier et les mains du musicien. Dans la salle, les rires commencent à fuser : les gestes sur l’écran sont d’une maladresse qui contredit la virtuosité de ce qu’on entend. Et nombre de spectateurs s’imaginent alors que le type au piano n’est qu’un pantin qui s’active sur une musique préenregistrée. Sauf que c’est l’inverse : il joue vraiment, et les images maladroites ont été préenregistrées. Le décalage et le numéro de cirque sont là, mais la perspective a été renversée.
Comique. L'élégance de ce début donne le «la» : Meine Faire Dame est un spectacle tout en finesse absurde, où les deux ingrédients essentiels de l'univers de Marthaler - dérision et mélancolie - alternent plus qu'ils ne se m