Quand on entend la voix déformée d'un enfant crier «j'ai faim, j'ai soif», tandis que le père descendu dans la cave s'apprête à manger un hamburger, on se dit que la soirée risque d'être éprouvante. Ce qui ne surprendrait personne vu le sujet. Conte d'amour, pièce de Markus Öhrn, artiste plasticien suédois travaillant à Berlin, s'inspire de l'histoire, révélée en 2008, de Josef Fritzl, l'Autrichien qui séquestra durant vingt-quatre ans l'une de ses filles dans sa cave, en la violant régulièrement et en lui faisant sept enfants.
Bâche. Les premières images projetées sur un écran latéral, tandis que les spectateurs s'installent, laissent aussi présager le pire : on y voit une main anonyme cimenter méticuleusement un mur dont on suppose qu'il sera celui de la prison. Ne pas se fier aux présages : Conte d'amour est un spectacle beaucoup plus drôle que ce qu'il laisse entendre. L'horreur y est constamment tenue à distance. Ce que l'on voit et entend reste dans les limites du supportable, ce qui ne veut pas dire du normal. C'est aussi que l'on ne distingue pas directement ce qui se passe dans la cave. Les quatre interprètes jouent derrière une épaisse bâche en plastique ; on aperçoit à peine leurs reflets et leurs mouvements. Cette cage faussement translucide est surmontée d'une scène sur laquelle trône un canapé - la maison «officielle» - où le père remonte rarement, et entourée d'une mini-palissade - le jardin du pavillon.
Ce que l'on vo