Cinéaste autant qu'homme de théâtre, le metteur en scène hongrois Kornél Mundruczó a le sens de l'image. Et de la séquence choc. Adaptant Disgrâce, le roman de J. M. Coetzee, il ouvre son spectacle avec le viol de Lucy, la fille du professeur David Lurie, un épisode qui n'intervient normalement qu'au chapitre 11, vers le milieu du roman.
Mépris. Ultraréaliste, la scène n'occulte ni la nudité androgyne de la jeune femme qui interprète Lucy, ni le déchaînement de brutalité des trois agresseurs (qui portent des perruques de cheveux crépus pour rappeler qu'il s'agit de Noirs), ni le «dénouement» : l'enfermement dans une cage pour chien, après qu'on lui a écrit sur le corps au rouge à lèvres le mot «girl», comme marque suprême de mépris envers la jeune femme qui est homosexuelle. Des détails, dont plusieurs ne figurent pas dans le roman et dont l'efficacité dramatique laisse quelque peu perplexe, comme si l'illustration exacerbée tenait lieu de «lecture» du roman. La suite le confirme. La dimension sexuelle du livre intéresse visiblement le metteur en scène. Qui enchaîne, là aussi de façon très crue, sur les rapports intimes entre le professeur et la jeune Mélanie, son étudiante, une relation qui vaudra à David Lurie son éviction de l'université et le début de sa «disgrâce». Quelques mots chez Coetzee - «ses collants et son slip abandonnés sur la moquette ; lui a le pantalon aux chevilles» - sont le prétexte à une nouvelle séquence déshabillée, q