Lettre ouverte à Luc Bondy
Cher M. Bondy, je fais partie des signataires du texte rédigé par le collectif la Barbe pour attirer l'attention du public sur la programmation exclusivement masculine du théâtre de l'Odéon que vous dirigez cette année pour la première fois. «14 spectacles, 14 auteurs hommes, 14 metteurs en scène hommes !» En réponse, vous vous êtes contenté de dire que vous n'aviez pas voulu faire cette programmation en fonction d'un quelconque «quota» sexuel. Ayant été peu convaincue par cette réponse, je me suis rendue à une représentation de la pièce par laquelle vous avez décidé d'inaugurer votre mandat - celle qui est censée représenter votre goût, illustrer votre talent, symboliser vos choix éthiques et esthétiques - le Retour, de Harold Pinter, dans une nouvelle traduction de Philippe Djian, avec (entre autres) Bruno Ganz et Emmanuelle Seignier. Or, cette pièce est un ramassis de clichés misanthropes et misogynes (je suis navrée de le dire, ayant un grand respect pour d'autres écrits de Pinter). Les cinq hommes qui occupent le plateau trois heures durant incarnent divers types de misère et de nullité humaines, mais, dès que débarque une femme, ils cessent de se disputer et tombent magiquement d'accord : c'est une pute (même si elle est l'épouse de l'un d'entre eux et mère de trois fils) ; faut la mettre sur le trottoir ; du reste la femme elle-même est d'accord mais seulement si elle peut être pute de luxe. Si, si, je perçois bien