Marivaux, qui n'était pas le plus mauvais analyste de son propre théâtre, revendiquait la singularité des Serments indiscrets par rapport à d'autres pièces. «Dans la Surprise de l'amour, écrivait-il, il s'agit de deux personnes qui s'aiment pendant toute la pièce, mais qui n'en savent rien eux-mêmes, et qui n'ouvrent les yeux qu'à la dernière scène. Dans [les Serments indiscrets], il est question de deux personnes qui s'aiment d'abord, et qui le savent, mais qui se sont engagées de n'en rien témoigner, et qui passent leur temps à lutter contre la difficulté de garder leur parole en la violant.»
Lest. Donc, Lucile et Damis sont deux jeunes gens au caractère bien trempé, qui n'ont pas l'intention de se plier à la volonté de leurs pères respectifs de les marier. Problème : au moment même où ils se font serment de ne pas s'épouser, ils tombent amoureux. Et comme ils sont aussi têtus l'un que l'autre, aucun des deux ne lâche du lest, quitte à se pourrir la vie.
Dans l'ensemble, les pièces de Marivaux sont plutôt sur le modèle de la Surprise de l'amour : nous savons ce que les personnages ne savent pas, et le suspense, pour les spectateurs, repose sur la question : quand les héros vont-ils enfin ouvrir les yeux ? Alors que pour les Serments indiscrets, ce serait plutôt : quand vont-ils accepter de les fermer ? C'est sûrement plus intéressant, mais aussi plus crispant. Le public du temps de Marivaux éta