Trois cubes, un arbre, une paire de ciseaux, une corde, une carafe d'eau, et puis au milieu de tout cela un homme qui, le pauvre, éprouve physiquement l'impossibilité de vivre, et même celle de mourir. Le corps se débat, espère, prie, renonce. Pas un mot n'est prononcé. C'est Acte sans paroles I, singulière expérience de «théâtre» imaginée en 1956 par l'auteur irlandais Samuel Beckett.
Acrobatique. Ce mimodrame (si l'on veut) fut créé le 1er avril 1957 à Londres. La chose avait surpris. Cinquante-cinq ans plus tard, dans le Studio du Théâtre de Chaillot, elle continue d'intriguer. Certes, le royaume d'Absurdie de Beckett est désormais familier et ses aventures formelles font figure de classiques. Non, ce qui étonne ici, et séduit, c'est que ce texte tout en didascalies, long d'à peine sept pages (1), réussisse à enfanter d'un spectacle cohérent et puissant où sont combinées les ressources du théâtre, du cirque et de la danse.
Car il y a tout cela dans la mise en scène du chorégraphe Dominique Dupuy. Le texte dit, par exemple : «Il [le personnage, ndlr] se retourne, voit le second cube, le regarde, le place sous la carafe, en éprouve la stabilité, monte dessus, essaie en vain d'atteindre la carafe, descend, veut rapporter le cube à sa place, se ravise, le dépose, va chercher le grand cube, le place sur le petit, en éprouve la stabilité, monte dessus, le grand cube glisse, il tombe, se relève aussitôt, s'époussette, réfléchit.» Enfou