Menu
Libération
Critique

Sobel sur les traces d’«Hannibal»

Article réservé aux abonnés
Théâtre . A Gennevilliers, le metteur en scène exhume une pièce allemande écrite en 1834 autour du périple du général carthaginois.
publié le 16 septembre 2013 à 18h06

Des illusions, Hannibal n’en a pas beaucoup. Alors qu’il est aux portes de Rome, proche de l’assaut final, sa première préoccupation est de se procurer une fiole de poison au cas où cela tournerait mal. Dans la pièce de Christian Dietrich Grabbe, le général carthaginois est un héros désabusé mais sans état d’âme.

«Nourrissons». De sa ville natale, il n'attend rien. Les financiers au pouvoir ne lui font parvenir qu'au compte-gouttes l'aide dont il aurait besoin pour mener la guerre. Les dieux carthaginois ne lui inspirent guère plus confiance : «Terrible Moloch, j'ai souvent pensé que c'était en vain que nous faisions cuire pour toi les nourrissons.» Hannibal le fonceur ne connaît qu'un mot d'ordre - «On continue !» - et pourtant, il renonce à prendre Rome et part hiverner avec son armée à Capoue.

Grabbe n'a plus que quelques mois à vivre quand il achève Hannibal, sa dernière pièce, en 1834. Au même moment, Büchner est en train d'écrire la Mort de Danton. Pour imaginer Hannibal, il est bien possible que Grabbe ait pensé à Danton. «De l'audace, encore de l'audace toujours de l'audace» : la formule du révolutionnaire pourrait sortir de la bouche du général. L'un et l'autre sont des matérialistes, avec la mort aux trousses, des gagnants qui n'y ont jamais cru tout à fait, donc des perdants.

Formidable pièce exhumée par Bernard Sobel, dix-sept ans après avoir pareillement tiré de l'oubli Napoléon<