En pleine mutation, le centre-ville de Marseille devient la scène de Métamorphoses : jusqu’au 6 octobre une quarantaine d’interventions artistiques proposées par le Centre national de création Lieux publics. Discussion entre son directeur, Pierre Sauvageot, et le sociologue Jean-Louis Fabiani, de l’Ecole des hautes études en sciences sociales, sur l’art dans l’espace public.
Depuis le début de la Capitale culturelle européenne à Marseille, la forte adhésion populaire aux événements dans l’espace public semble emporter toute critique sur le contenu artistique…
Pierre Sauvageot : C'est important qu'il y ait du public, que le monde culturel ne reste pas dans un entre-soi. Mais une espèce de «nombrisme» est en train de se mettre en place. A moins de 400 000 spectateurs, tu n'existes pas. Les questions de la qualité, du sens, sont dépassées par une guerre d'images qui met au premier plan les foules pacifiques du Vieux-Port. J'adore les foules pacifiques du Vieux-Port, mais le jour de la fête d'ouverture, si j'étais ravi de l'acte social, je n'étais pas enthousiasmé par ce que je voyais. Embarquer les gens dans quelque chose qui va les émouvoir, pas simplement les laisser spectateur, ce n'est pas évident. Et, pour l'instant, c'est rare.
Jean-Louis Fabiani : Le quantitativisme n'affecte pas seulement les opérations du type Marseille 2013. C'est désormais une sorte de malédiction. On l'a vu avec les musées. L'idée que l'on mesure le succès d'une opération culturelle au nombre de spectateurs n'a pourtant pas de sens.
Cette dérive est liée aux pressions politiques et économiques. Le nombre est ce que les organisateurs peuvent produire de