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Critique

Marthaler, à l’heure de la veille

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Théâtre. A Paris, le Suisse met en scène une Europe face au retour de ses démons antisémites.
«Letzte Tage. Ein Vorabend» (Derniers jours, Une veillée)de Christoph Marthaler. (Photo Walter Mair )
publié le 1er octobre 2013 à 18h06
(mis à jour le 2 octobre 2013 à 10h20)

L’Europe file un coton rétractile. Elle remet ses vieux tricots à cotte de maille. Ça sent l’antimite. Les motifs sont kitsch et racistes. Le Suisse alémanique Christoph Marthaler dévide la pelote. Sa démonstration est éclairante, mais son poids finit par écraser à peu près tout. On allait au spectacle et on se retrouve tantôt à la messe, tantôt au concert : des prêches, du silence, de la musique sacrée. Quelques moments forts compensent, parfois même justifient, la leçon de morale. Elle se joue à guichet fermé dans un théâtre chic. Des fidèles quittent bruyamment l’église avant la fin.

Le dispositif est en miroir. Un public mal assis sue en quelque sorte face à ses fantômes : une pente de gradins beiges et vides de ce qui fut un parlement, dans le genre Reichstag. Cette salle n’a servi depuis 1934, nous dit-on, qu’à la remise de quelques colifichets sociaux. Les gradins sont parfois renversés, dépareillés : comme souvent chez Marthaler, le «vintage» est à l’œuvre. La vie est un souvenir brocanté de la vie.

Un homme en costume gris, rond-de-cuir ridicule et daté, rappelle à cinq femmes de ménage en blouse turquoise, venues pour nettoyer les lieux, qu'on est «soixante ou soixante-dix ans» après la fermeture des camps de concentration. Un «empereur des Habsbourgs d'Europe» règne sur la bruxelloise communauté. Dans cette opérette mittle-eurobureaucrate, «l'antisémitisme a été classé patrimoine mondial de l'Unesco comme spécialité européenne». On multiplie mé