Il y a dix ans, Patrice Chéreau avait replongé dans sa carrière pour le cahier cinéma de Libération. Du TNP aux Amandiers, de Sartrouville à Bayreuth, de Boulez à Koltès, de Vaclav Havel à la Reine Margot…
2 novembre 1944. Voilà, je nais à Lézigné, un petit village de 350 habitants dans le Maine-et-Loire. Mon père, peintre, ma mère, dessinatrice, ont énormément compté. J'ai eu une éducation artistique. J'ai appris tout ce que je sais avec eux, grâce à eux je me suis confronté à la peinture. C'est l'art majeur pour moi, celui qui m'a le plus marqué, même si la peinture n'a pas de rapport avec le théâtre ou le cinéma. Je ne fais pas de cinéma «pictural», pas du tout, ni du théâtre «en tableaux», pas davantage. Mais je viens de la peinture. Ce fut important qu'un jour un peintre rencontre une dessinatrice. En octobre, je vais retourner à Lézigné : la mairie a donné mon nom à une petite rue et je dois l'inaugurer. C'est un lotissement, je crois.
1959. La première fois, à 16 ans, que je mets les pieds sur un plateau, pour une audition, Clitandre de Corneille, une pièce de jeunesse, devant le groupe théâtral du lycée Louis-Le-Grand. J'étais mort de trouille, je tremblais. J'étais très mauvais : on m'a donné deux lignes à lire, j'ai été choisi, mais je n'ai pu garder qu'une seule ligne dans le spectacle. C'était un bon groupe de théâtre, avec une vraie tradition. J'y ai vu les gens au travai