Menu
Libération

Le roi Chéreau

Article réservé aux abonnés
L’homme de théâtre et de cinéma est mort hier à 68 ans. De Milan à Bayreuth ou Nanterre, il a révolutionné la mise en scène.
publié le 7 octobre 2013 à 22h36

Parfois, on se disait : «Chéreau, c'est un peu hystérique, non ?» Ou électrique, selon les jours. Mais d'une hystérie qu'on reconnaissait comme la nôtre, un peu honteuse, quelque chose de mis à jour et d'irrité, de terriblement humain. Ceux qui l'avaient pris en train par le cinéma ne savaient parfois pas qu'il avait d'abord été un jeune génie de la mise en scène. Et puis les opéras. D'autres qui aimaient Nanterre n'aimaient pas ses films. Dans tous les cas, c'était une histoire galvanique, une histoire de corps.

Au théâtre, Chéreau n’aura eu finalement qu’un maître, Giorgio Strehler. A une époque - les années 70 - encore marquée par le brechtisme et ses figures imposées - dépouillement, distanciation, souci didactique -, Strehler, maestro du Piccolo Teatro de Milan, maintient la flamme d’un théâtre qui ne récuse rien de la tradition (costumes, décors, lumières) et assume la dimension psychologique du jeu des acteurs. Les mois que Chéreau passe à Milan auprès du metteur en scène italien sont pour lui l’époque de formation la plus intense. Il y développe aussi son goût de l’opéra, et y affine sa formation picturale. De Strehler, il retient encore la dimension artisanale du métier, avec un metteur en scène chef de chantier, assurant le lien entre les corporations. Un metteur en scène qui n’est pas un démiurge solitaire, mais un maître d’œuvre travaillant en cheville avec ses collaborateurs artistiques, et se nourrit de l’échange. Chéreau avait viscéralement besoin des