Un mort ne s'appartient plus. Surtout quand un président de la république assiste à ses obsèques. Le protocole est alors assuré par de rugueux policiers et policières en civil qui ne pensent qu'à une chose, la sécurité, et ne savent pas, difficile de leur en vouloir, que l'homme là, dans ce cercueil, était un homme de théâtre. Un artiste travaillant à construire et assembler un public dont toute l'œuvre fut l'exact contraire d'une barrière métallique.
Lire ou relire Bossuet pour se souvenir que la mort est l’un des grands moments de la vie sociale. Certains sur le parvis se disent amis de Chéreau, mais n'ont pas été vus à la télé et sont condamnés à rester des «anonymes». Quelques-uns sortent leurs cartes professionnelles, celle de syndicaliste se révélant autrement plus efficace que celle de presse, qui envoie direct au pool des caméras des télés d’info en continu. D'autres sont venus avec ces fleurs blanches que Chéreau aimait tant, d’après le faire-part publié dans la presse: signe dérisoire. Nombreux, spectateurs de Chéreau aux mains vides, veulent simplement partager une dernière fois ce qui se partage au théâtre, quelque chose comme un souffle retenu, l’assemblée des corps en tension, l’inversion consentie des sens. Les vieilles paroissiennes de Saint-Sulpice, qui connaissent mieux que personne la capacité d'accueil de leur église, finissent par mettre tout le monde d'accord, emportent le morceau face à la police et tout le monde dans leur sillage.
Mise en abyme. Le théâ