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Libération
Critique

Quand «Macbeth» rencontre Ben Ali

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Shakespeare décode le printemps arabe.
«Macbeth: Leila and Ben», un couple dévoré par le pouvoir. (Photo APA)
publié le 31 janvier 2014 à 21h06

L'idée a germé juste avant la révolution. Invité du World Shakespeare festival, lors des JO de Londres, le trio tunisien des Artistes producteurs associés décide de s'attaquer à Macbeth, qui fait écho à l'histoire politique du pays. Quelques mois plus tard, Ben Ali tombe. Macbeth : Leila and Ben-A bloody story sera donc en partie créé à Tunis, dans l'énergie des premiers mois post-dictature.

La pièce, mise en scène par Lotfi Achour, replonge dans la fin de règne de l'autocrate et interroge le rapport au pouvoir dans le monde arabe. Quelle relation au chef ? Quelle part joue le sacré dans l'autoritarisme ? Sur quoi s'appuie la domination politique ? Le peuple a-t-il une part de responsabilité ? Laquelle ? Dans l'adaptation tunisienne, Macbeth et sa Lady deviennent Maczine - comme Zine el-Abidine Ben Ali - et Lady Leïla, archétype du couple resté vingt-trois ans au pouvoir.

Entre les deux tandems, plusieurs similitudes : Macbeth a tué le roi Duncan pour accéder au trône, Ben Ali a déposé Bourguiba. Tous deux sont hantés par le spectre de leur victime. Tous deux forment avec leur épouse un duo dévoré par le pouvoir, enfermé dans sa folie, frappé de paranoïa. Un travail documentaire complète la fiction : entre deux scènes, des intellectuels, des opposants, des acteurs de l'époque, racontent dans des entretiens filmés les ressorts de la tyrannie. «Toute la société faisait de la police politique» , souligne ainsi un cadre du renseignement