Au sud de la Sicile, l’île de Lampedusa recueille des rescapés et cadavres africains de toutes sortes. Certains meurent noyés au large, d’autres de froid un peu plus au nord, d’autres encore finissent d’abandon. Inspirée par cette tragédie consentie par l’Europe, l’Italienne Lina Prosa a écrit et mis en scène une trilogie, qui était présentée ces jours-ci au Théâtre du Vieux-Colombier.
Le premier volet, Lampedusa Beach, a dix ans. C'est le monologue, joué emphatiquement par Céline Samie, d'une femme qui coule. Il fut inauguré, voici deux semaines, dans les décors vert eau du vieux théâtre sicilien de l'ambassade d'Italie à Paris. Datant du XVIIIe siècle, ces décors sont d'une telle délicatesse ornementée qu'ils rendent le texte de Lina Prosa aussi pesant que de la crème fouettée - aux bons sentiments - sur un magnifique sucre d'orge.
Il ne s'agit pas pour elle de reproduire la réalité, mais de lui donner forme et langage : on entend une élégie intérieure, aérienne, aquatique, muette, mais on l'entend trop. On l'entend nettement mieux dans le second volet, Lampedusa Snow, interprété par Bakary Sangaré. Cette fois, c'est un homme qui se perd et qui meurt, fuyant un camp de rétention montagnard par un col, disparaissant comme «seiche sur la neige» après avoir étreint un chamois blessé . Egalement traduit par Jean-Paul Manganaro, qui a naguère traduit le Guépard, de Lampedusa, il est dit avec une puissance ébréchée, retenue, devant un