Entrant en collision avec les spasmes géopolitiques du moment, Femme non rééducable, actuellement à l'affiche du Théâtre de l'Atelier à Paris, s'en vient rappeler à point nommé que les turpitudes de la Russie de Vladimir Poutine ne datent pas d'hier. Plutôt qu'une «pièce», au sens générique du terme, c'est ici l'appellation de «mémorandum théâtral» qui est formulée. Un choix qui n'apparaît pas tant comme une coquetterie sémantique que comme la définition adéquate d'un projet destiné à honorer le souvenir d'une femme ayant juste eu le courage de vouloir rendre inaliénable la liberté d'expression dans un pays qui bafoue quotidiennement la notion de démocratie.
Intégrité. «Les ennemis de l'Etat se divisent en deux catégories : ceux que l'on peut ramener à la raison et les incorrigibles», est-il énoncé en préambule. Ces mots apparaissent en 2005 dans une circulaire rédigée par Vladislav Sourkov, ex-éminence grise de Poutine. Or, ce bréviaire de l'autocratie vise au premier chef Anna Politkovskaïa, journaliste russe qui, à partir de 1999, a la mauvaise idée de vouloir juste exercer son boulot, en toute intégrité, et neutralité, possible : «Je ne fais que raconter et quand je vois que les impôts servent à financer la violence et la torture, je me dois de l'écrire.»
Une démarche qui, comme on le sait, lui vaudra les pires soucis. Les forces russes la détiennent et la malmènent plusieurs jours durant en février