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Théâtre

«Othello», teint sur teint

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Léonie Simaga, sociétaire de la Comédie-Française, affadit le classique de William Shakespeare.
publié le 1er mai 2014 à 18h06

Pourquoi Iago est-il méchant ? Le mal, surtout aujourd’hui, on en a si peur qu’on aimerait lui donner des raisons claires, le réduire à des causes mi-Zola, mi-divan. Shakespeare, en 1603, est plus sage : il donne sa langue au mal, mais il ne l’explique pas. Avec Iago, le traître, l’hypocrite, le jaloux, l’envieux, le scélérat, le tueur, la psychologie ne fonctionne pas. Il accuse à tort Othello d’avoir couché avec sa femme. Il convoite un poste militaire que le Maure donne à un autre, le brave et niais Cassio. Il est possible qu’il aime Desdémone, même si les femmes ne semblent lui inspirer que du mépris. Et tout ça n’explique rien. Peut-être est-il simplement exaspéré par la bêtise, la naïveté, l’entièreté de ceux qu’il manipule comme des pattes d’insecte ? Peut-être leur fait-il payer au prix fort l’expérience qu’il fait sur chacun d’eux ?

Iago est en tout cas l'homme qui dit cette phrase extraordinaire, enrichie par son opacité : «Je ne suis pas ce que je suis.» Il fuit de partout, à la fois soldat, valet, conseiller, meurtrier, subtil, trivial, lucide, aveugle, personnage de tragédie et de comédie, tous entiers dans la même peau. Personnage qui tire les ficelles de la pièce, monte l'intrigue et la fait évoluer : comme tout bon metteur en scène, un sacré manipulateur et montreur de marionnettes. Agé de 28 ans mais sans âge, le mal qu'on fait sans raison rend éternel, un vrai bain de jouvence. Comment jouer ça ?

Pitreries. Au V