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Théâtre

«Cyrano» bouquet de névroses

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A l’Odéon, Philippe Torreton s’empare du rôle-titre de la pièce de Rostand que Dominique Pitoiset transpose dans un asile de fous.
publié le 18 mai 2014 à 18h06

Depuis février 2013, quand le spectacle fut créé au Théâtre national de Bretagne, à Rennes, le Cyrano de Dominique Pitoiset et Philippe Torreton a fait un tabac en province. Il arrive à Paris, comme Henri IV entrant dans la capitale après avoir conquis le reste du territoire. Paris vaut-il cette messe ? Sans doute. Mais la qualité du spectacle et le saillant de son parti pris de mise en scène n'empêchent pas de s'interroger sur la nature de la messe. Cyrano est comme jamais le miroir de la France, ce pays sans merveille. Telle Alice, traversons-le.

Autiste. La scène est dans une grande salle sous néon, hideuse, un hôpital psychiatrique d'aujourd'hui : à la fois réfectoire, chambre, hall, suivant les actes et les scènes. Ecrin populo-vintage à la Marthaler : la laideur du décor enlumine les corps. Le spectacle n'a pas commencé. Cyrano tourne le dos, assis dans un grand fauteuil brun pour malade, crâne bandé, comme si, lui déjà mort, la pièce était jouée. Autour, on entre : public par derrière, fous par devant. Les fous, ce sont les personnages. L'un se branle et l'autre saute sur place, comme un autiste. Un troisième s'est peint une fausse moustache : c'est de Guiche, méchant ahuri et détaché, joué avec un humour extraordinairement distancié par Daniel Martin. Il y a un juke-box : il passe des airs populaires, français, américains, connus, affreusement sucrés. Ils jalonnent l'aventure qu'on connaît. Seul Christian, le bellâtre san