Ecrits à trente ans de distance, le Square et Savannah Bay ont en commun leur brève longueur - une heure - le bleu de la mer, et la douleur d'exister. Pour le reste, ce sont deux textes entièrement différents, par la gestation, les circonstances, le langage. La mise en scène sobre et délicate de Didier Bezace permet, en les confrontant, de voir comment les mots et les perspectives de Marguerite Duras ont changé, de 1955 à 1983.
Elliptique. Le Square est un dialogue merveilleusement classique, précis, entre deux personnages que sature leur solitude, l'état d'abandon social dans lequel ils sont. Savannah Bay est une infusion, une chambre d'échos où résonnent quelques souvenirs et avant tout une voix, celle de Duras devenue prophète elliptique d'elle-même, de sa jeunesse, du métier d'acteur et de celle pour qui le texte fut écrit : Madeleine Renaud, alors âgée de 83 ans. Emmanuelle Riva, qui en a 87, reprend le rôle. Elle a cette «splendeur de l'âge» que Duras souhaitait. Belle femme aux yeux clairs et aux cheveux courts, c'est la rose pourpre du Caire idéalement fanée et fleurissant dans sa robe noire, une duchesse de Langeais au-delà des passions et des monastères. Revenue d'entre les morts pour flotter là sur scène ou pour disparaître dans l'écran, à la fois austère et vacillante, c'est un vase du nord de la Chine en équilibre sur le guéridon : faïence et défaillances de la mémoire. Regarder R