Menu
Libération
Avignon

Bernardo Carvalho: «La langue, lieu de résistance et terreau du fascisme»

Article réservé aux abonnés
Festival d'Avignon 2014dossier
Rencontre avec l’écrivain brésilien, auteur de la pièce «Dire ce qu’on ne pense pas dans des langues qu’on ne parle pas».
L'écrivain brésilien, Bernardo Carvalho, à Paris, le 22 septembre 2010. (Photo Bruno CHAROY)
publié le 8 juillet 2014 à 19h16

Romancier après avoir été journaliste, Bernardo Carvalho, qui habite São Paulo, a aussi vécu à Paris et à New York. Il aime les histoires à tiroirs, les paradoxes et l’humour noir.

Vous êtes romancier. Comment êtes-vous arrivé au théâtre ?

Il y a plusieurs années, j'ai rencontré Antonio Araujo, et son groupe, le Teatro da Vertigem, et ils m'ont proposé de travailler avec eux sur leur nouveau projet. Nous devions passer trois ans ensemble. Antonio Araujo tenait à ce que l'auteur soit présent tout au long des répétitions et des improvisations. On devait voyager dans un camion équipé de trente couchettes, à travers le Brésil. L'idée de la pièce, qui s'appelait BR-3, c'était une recherche sur «l'identité brésilienne» qui passait par trois endroits : Vila Brasilandia, un bidonville de São Paulo, Brasília, la capitale, et Brasiléia, une localité d'Amazonie à la frontière avec la Bolivie, dans l'Etat d'Acre. La première partie du projet, dans le bidonville de São Paulo où nous avons fait un atelier, était une vraie lune de miel. Ensuite Antonio m'a dit : "Rentre chez toi écrire le texte, et reviens nous l'apporter." Quand je suis revenu avec le texte, la lune de miel s'est brutalement interrompue et la guerre a commencé. C'était infernal, il y avait des cris, des pleurs. Certains ont arrêté de me parler pendant des années, d'autres comme Araujo se sont mis de mon côté. La pièce est devenue une sorte de créature de Frankenstein, il fallait sans cesse modifier le texte pour y intégrer les avis de la troupe…

Mais le spectacle a quand même fini par voir le jour.

Oui, en 2006, à São Paulo,