Qui a dit qu'au théâtre, au-delà de deux heures il fallait s'appeler Shakespeare ? Quelqu'un. Dans le jardin du cloître de la Chartreuse de Villeneuve, les pieds dans l'herbe et refroidi par le mistral, Shakespeare à ciel ouvert ne dure qu'une heure et vingt-cinq minutes. C'est Othello raconté aux enfants, mais nous sommes tous des enfants, et cela ne nous rend pas plus bêtes. Trois acteurs jouent tous les personnages, ils le commentent avec ironie : «Nous allons jouer une tragédie vénitienne que nous n'avons pas les moyens de nous payer.» Ni, sans doute, la plupart des spectateurs. Othello est ici un héros d'Europe - bénéficiaire et victime du capitalisme, du racisme, des frontières. Théâtre par temps de crise, léger, itinérant, didactique mais pas trop, brûlant par ses bouts de chandelles.
En version réduite - comme des tomates à petit feu - au langage de l'action, retravaillée aux nerfs, la pièce est orientée, par quelques dialogues contemporains ajoutés, vers l'idée que «la langue de Shakespeare tresse imperceptiblement (mais indiscutablement) le champ des relations humaines à celui des relations économiques.» On trouve cette phrase dans la préface du livre d'Olivier Saccomano (publié aux Solitaires intempestifs), auteur et jivaro du projet. Son adaptation est plus vive et légère que son programme. On ne devrait jamais dire ses intentions.
Les spectateurs, une cinquantaine, sont assis sur la pelouse en cercle, autour d’un rond central. Trois petites allée