On peut tout faire avec les icônes : les insulter, les piétiner, leur dessiner de fausses moustaches. Dans la Imaginacion del futuro («l'Imagination de l'avenir») du metteur en scène chilien Marco Layera, le président Salvador Allende, renversé par le général Pinochet en 1973, est ainsi dépeint en pantin gâteux et cocaïnomane, et ce n'est pas ce mauvais traitement qui pose en soi problème. Layera n'est pas le premier ni le dernier à tirer sur les idoles. Ainsi, dans sa pièce Borges, Rodrigo Garcia imaginait le vieil écrivain argentin aveugle transformé en viande hachée et servi dans les stands à saucisse installés autour du stade de la Bombonera, le siège du club de foot de Boca Juniors. On ne peut pas non plus faire grief à Marco Layera, né en 1977, de vouloir, comme beaucoup d'artistes de sa génération, interroger un passé lourd à porter, quitte à renverser la statue du bon vieux docteur démocrate, héros et martyr au service du peuple.
Jargon. Son spectacle démarre sur une idée forte. Salvador Allende (Rodolfo Pulgar, irréprochable) est en train de prononcer son dernier discours, le 11 septembre 1973, alors que les tanks encerclent déjà le palais de la Moneda. Mais la scène est doublement fictive : nous sommes sur un plateau de télévision d'aujourd'hui et les ministres d'Allende sont des pros de la com en train de tourner une pub. Le violent décalage entre le jargon d'aujourd'hui et le discours politique - et tragique