«Mais d'où viennent tous ces gens ?» Partout ailleurs, cette question d'un auteur venu regarder jouer sa pièce serait déplacée. A Bussang, village vosgien suspendu à 730 mètres d'altitude, en surplomb d'une vallée oubliée si ce n'est de la Moselle qui y prend sa source, elle relève d'une surprise légitime. Car l'affluence au Théâtre du Peuple de Bussang, malgré les pluies diluviennes, témoigne mieux que les mots de la vivacité du projet utopique initié en 1895 par Maurice Pottecher, en réaction au snobisme des salons littéraire parisiens : créer en pleine nature, pour y contraindre l'art au «naturel», au «simple» et au «clair», un «théâtre pour tous», mêlant amateurs et professionnels. Un lieu de rencontres, d'apprentissage et de culture, dont la devise reflète l'ambition - «Par l'art et pour l'humanité». Un lieu de solidarité, donc, et partant, de résistance.
Cent dix-neuf ans plus tard, l'idée continue d'infuser à flanc de coteau, dans l'immense chalet de bois au plancher incliné, frappé en son fronton d'une croix de Lorraine blanche. A chaque séance, jusqu'à 820 spectateurs s'y pressent sur des bancs de bois «d'origine» - on reconnaît les habitués au coussin qu'ils apportent pour ménager leur fessier. Cet après-midi encore, la jauge n'est pas loin d'être pleine. Au point qu'on s'interroge sur le sens exact de la banderole «En lutte» cloutée sur la façade.
Jubilation. On y jo