Les trucs ronds dans la photo ci-dessus, ce sont des phares d'automobile. Ils ont pas mal changé depuis. Mais là, on est en 1924, le 4 décembre pour être précis, au Théâtre des Champs-Elysées à Paris, monument d'art déco fameux (si jamais vous passez devant, regardez). Francis Picabia, peintre dada de son état, s'est acoquiné avec le compositeur Erik Satie et les Ballets suédois pour produire un spectacle resté dans l'histoire de l'art comme un caillou dans une chaussure : Relâche.
Il y a un rideau de scène assez pétard, avec écrit en gros des phrases du genre «Erik Satie est le plus grand musicien du monde». Soit le contraire de ce qu'on pouvait lire sur le carton d'invitation : «Apportez des lunettes noires et de quoi vous boucher les oreilles.» Normal, Dada est tout et son contraire. Puisqu'il s'agit d'un ballet, donc de mouvement, le danseur star, Jean Börlin, arrive dans une chaise de paralytique. Mais, raconte la compagne de Picabia dans ses mémoires, «obéissant à l'attraction exercée par la beauté» de sa partenaire (Edith von Bonsdorff, dans le rôle de la jeune mariée), il «retrouvait la force de se mouvoir, quittait sa voi ture, allait vers elle».
Décalages. Globalement, tout est fait pour contrarier le cochon de bourgeois (d'ailleurs, les mécènes lâcheront les Ballets après cet éclat) : le spectacle commence par un bout de film (le désormais célèbre Entr'acte, de René