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Libération
Reportage

Angélica Liddell, bourreau des mœurs

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Gémissements, tremblements et chœur ukrainien… Dans «You’re my destiny…», sa nouvelle création, l’Espagnole radicale s’attaque au «Viol de Lucrèce», et dépeint l’assaillant en homme fragile.
«You are my destiny, ou le viol de Lucrèce» de Angelica Liddell. (Photo Thierry Pasquet. Signatures)
publié le 15 septembre 2014 à 17h06

Montrer la fragilité d'un homme au moment où il viole une femme, ce n'est pas une chose à faire en société, surtout aujourd'hui, tout le salon moral vous tombe dessus. Mais le raconter sur scène, pourquoi pas ? C'est une aventure au pèse-nerfs et puis c'est la vie. Angélica Liddell, celle qui a créé la Casa de la fuerza et Todo el cielo sobre la tierra, a son idée sur la question : «Nous ne sommes pas libres d'utiliser le sexe comme nous le voulons. Il a autant à voir avec la fragilité qu'avec la force. Quelle compensation donner à nos besoins qui ne passent pas par le politiquement correct ? Nous vivons de manière beaucoup trop propre, alors que nos désirs sont faits de boue. J'écris mes spectacles à partir de cette boue, pas du jugement. L'art n'est pas la loi, ni une organisation d'assistantes sociales. C'est un acte d'épiphanie individuelle. Trop de gens confondent aujourd'hui l'expression et la correction.»

Au TNB de Rennes, elle répète son prochain spectacle, une stridente variation physique et sentimentale sur le viol de Lucrèce par Tarquin, fils du roi de Rome. C'est une vieille histoire datant du VIe siècle avant J.-C. Tite-Live la raconte. Elle a inspiré Titien, Tintoret, Véronèse, Lorenzo Lotto, des tas d'autres peintres et de conteurs. En 1594, Shakespeare écrit le Viol de Lucrèce, un poème dramatique de 1 855 vers. C'est la première source de l'artiste espagnole. Invitée en 2013 à la Biennale de Venise, elle doit dir