Le Moïse de Romeo Castellucci n'est pas le prophète irradié redescendant du mont Sinaï, les tables de la Loi dans les bras. Ni celui adjurant Pharaon - Let My People Go -, même si le titre du spectacle - Go Down, Moses - est emprunté au spiritual. Il est l'absent, l'enfant disparu jeté à l'eau par sa mère. «Chaque fois qu'une femme abandonne un bébé juste après l'accouchement, explique le metteur en scène dans le programme du Festival d'automne, je suis bouleversé, je veux tout savoir : le lieu où elle l'a abandonné - la poubelle, les toilettes, le frigidaire -, est-ce qu'il était couvert et par quoi, du plastique, de la laine. Cette histoire est toujours la même histoire. Son iconographie se reproduit dans le temps, elle se sédimente.»
Carrelage. Dans Go Down, Moses, une jeune femme enfermée dans les toilettes se tord de douleur à mesure que le sang dégouline le long de ses jambes. Carrelage, lavabo, miroir : le local tout entier est bientôt maculé de traînées écarlates tandis que des coups impatients frappés à la porte couvrent ses gémissements. La crudité dévastatrice de cette scène renvoie à d'autres images de Castellucci : le viol du petit garçon par son père dans Purgatorio, l'incontinence du vieillard dans Sur le concept du visage du Fils de Dieu, autant d'événements dramatiques traités au premier degré, poussés jusqu'à la limite du supportable, du représentabl