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Théâtre

«Georges Dandin», sacré parano

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Au Vieux-Colombier, Hervé Pierre met le héros de Molière sous tension tchékhovienne.
publié le 26 novembre 2014 à 17h36

Quoiqu'inspiré par le Jura natal du metteur en scène Hervé Pierre, Georges Dandin ressemble ce soir à un paysan russe : grosse et fausse barbe rousse, carcasse solide et droite plantée sur le plateau. Son litron de blanc pourrait être une bouteille de vodka tue-mouche. Il ne lui manque que la toque, la neige et les bottes pour jouer dans l'Ours, de Tchekhov.

Jérôme Pouly interprète ce moujik aux poches pleines et au cœur troué : plus une ombre de grotesque en lui. Dandin, le péquenot français enrichi qui a commis l’erreur d’épouser une «sang bleu» pour s’anoblir, le bonhomme qui a voulu péter plus haut que son cul est ici purifié par sa colère, par l’impuissance de cette colère. La sottise, les désirs, les blessures, la méchanceté et la vanité des autres dansent la gigue autour de sa violence immobile, contenue, comme des lutins autour d’un chêne. Et lui, qui est aussi tout ce qu’ils sont, sans rémission, n’est soudain plus que ça : le dindon exaspéré d’une farce qu’il a voulue, qu’il subit et qu’il commente.

«Maux cuisants». Il rumine et paraphrase sa fureur devant une immense cabane de bois sombre, au fond de la forêt, dans une splendide scénographie d'Eric Ruf. Sa femme Angélique et lui vivent à l'étage, comme dans les vieilles maisons birmanes. A certains moments, la percussion qui accompagne les brefs intermèdes dansés rappelle le gamelan indonésien. Il y a aussi de la flûte. On est au théâtre, donc ailleurs. En 1668, Molière