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Libération
Critique

Verdonck, drôle d’oiseau

A la frontière du théâtre et des arts plastiques, l’artiste belge commente quatre de ses créations, dont son renversant nid géant.
Benjamin Verdonck. (Photo Iwan van Vlierberghe)
publié le 2 juillet 2015 à 17h56

Basé à Anvers où il est artiste associé au Toneelhuis, Benjamin Verdonck crée des œuvres à la frontière des arts plastiques, du théâtre et de la performance, à l’image de Notallwhowanderarelost où, manipulant une structure en bois minimaliste, il met en scène un équilibre fragile en s’inspirant d’un texte de J. R. Tolkien ; spectacle qu’il présente cette année à Avignon. C’est d’ailleurs dans cet espace indécis sous le signe de l’enfance, entre innocence et expérience, que se situe l’ensemble de son œuvre, jalonnée d’idées excentriques et incitant à des réflexions esthétiques et sociales. Inventaire et explications de l’auteur.

2004 : «Hirondelle»

«Ce projet (1) est né d’une expérience précédente. Il s’agissait d’une installation consistant en une maison bâtie à sept mètres du sol dans un arbre où j’habitais pendant quinze jours. Les gens qui passaient à proximité m’interpellaient, me demandant ce que je faisais là. Du coup, j’ai décidé de prendre de la hauteur en construisant un nid d’hirondelle à taille humaine, situé cette fois à 32 mètres au-dessus du sol (accroché à la façade d’un immeuble). L’installation durait sept jours. L’important, dans ce projet, n’était pas tant le fait d’habiter là que l’histoire de cet homme vivant dans un nid pendant sept jours. Je voulais un récit réduit à la plus extrême simplicité et en même temps compréhensible par tous. L’histoire d’un homme qui fait une tentative et qui échoue, il est dans son nid et il finit par tomber de l’immeuble.»

2007 : «Global Anatomy»

«Nous sommes deux sur scène, l’acteur Willy Thomas et moi-même. La pièce évoque parfois un jeu d’échecs dans la mesure où nous avons certains points de repères dans le temps et dans l’espace. Mais c’est surtout une anarchie complète. Au départ, on est totalement nus, comme Adam et Eve ou comme deux individus vierges de tout savoir qui découvrent le monde. Nous transportons des objets dont nous ignorons entièrement l’usage. Nous découvrons comment fonctionne une porte, un marteau, l’électricité. C’est une pièce très puérile, très drôle.»

2009 : «Kalender 09»

«En 2009, comme j’avais beaucoup voyagé dans la période qui précédait, j’ai décidé de rester l’année entière à Anvers. J’ai eu l’idée d’inventer chaque jour une action différente en relation avec l’espace urbain et les dates du calendrier. J’ai notamment construit un oiseau géant pour qu’il s’écrase dans une rue proche d’une artère commerçante. Dans ce genre de rue en fin de semaine, les gens font sans cesse des allers et retours d’un point à un autre ; par cette action, je voulais en quelque sorte orienter leur marche différemment. La chute de l’oiseau a aussitôt produit un attroupement. La police est arrivée. Les gens étaient intrigués par cet événement improbable. Et le plus étonnant, c’est que beaucoup y ont cru. Alors que j’avais déjà ramassé tout mon matériel, j’entendais des passants expliquer qu’un oiseau dangereux avait été abattu par la police. Qu’il s’était échappé du zoo… Des versions de plus en plus fantaisistes pullulaient et ces rumeurs se sont multipliées tout au long de cette année.»

2015 : «De finale»

«C’est ma toute dernière création. Comme son titre l’indique, il s’agit de la finale d’une compétition sportive. Il y deux cages de football qui se font vis-à-vis, mais le terrain est submergé par les eaux. Donc le match est impossible. Cette performance est la première d’un nouveau cycle d’actions et d’installations en relation avec la question du réchauffement climatique et le fait qu’aucune mesure sérieuse n’est prise. De plus en plus, j’essaie dans mon travail d’alerter sur ces questions. Je réfléchis beaucoup en ce moment à la façon de donner une forme à cette inquiétude, sans tomber dans le slogan.»

(1) Titre original : Hirondelle /Dooi vogeltje/The Great Swallow.