Tandis que Bernard Sobel perd sa convention de compagnie, François Rancillac n’est pas reconduit à la tête du Théâtre de l’Aquarium, à Paris, dont l’avenir est remis en question. Sobel n’est pas un nouveau venu. Sans doute est-ce un défaut, puisque ce metteur en scène toujours alerte et fourmillant d’idées à 84 ans vient de se voir refuser la reconduction de la convention triennale dont bénéficiait sa compagnie. Privé de ce soutien, il lui sera impossible, faute d’apport, de proposer à partir de janvier 2016 le moindre projet à d’éventuels coproducteurs, passage obligé pour qui veut mettre sur pied un spectacle.
Prétexte avancé, ses créations ne tournent pas assez. Sous-entendu «place aux jeunes». Or, à sa manière, Bernard Sobel reste l'un de nos plus jeunes metteurs en scène par sa capacité à proposer toujours de nouvelles expériences théâtrales. Qui d'autre serait capable de monter en regard des textes de l'auteur classique chinois du XIIIe siècle Guan Hanqing et du génial dramaturge new-yorkais Richard Foreman, fondateur de l'Ontological Hysteric Theater, comme il le fit en septembre aux Déchargeurs à Paris ? Et ce, après une formidable mise en scène de Hannibal, de Christian Dietrich Grabbe, présentée un an plus tôt au Théâtre de Gennevilliers, dont Sobel fut le fondateur dans les années 60.
Voilà un homme qui crée des spectacles depuis plus de cinquante ans et dont on attend toujours avec curiosité la prochaine aventure. Faut-il rappeler que Bernard Sobel fut parmi les premiers à reconnaître le talent de Patrice Chéreau ? On a du mal à imaginer qu’au moment où il s’apprête à entamer une résidence de trois ans au Théâtre de l’Epée de bois, à la Cartoucherie de Vincennes, l’Etat lui retire sa subvention. À se demander si ce début d’été caniculaire ne serait pas une cause de surchauffe du côté du ministère de la Culture, qui a annoncé la même semaine à François Rancillac, metteur en scène dont la qualité du travail depuis 2009 à la tête du Théâtre de l’Aquarium - toujours à la Cartoucherie - est unanimement saluée, que son mandat ne sera pas renouvelé. Ce ne serait pas tant le projet du metteur en scène pour l’Aquarium qui serait remis en question que la pérennité du lieu, pour lequel les tutelles envisageraient un nouvel avenir sans que les grandes lignes en soient définies. Dans les deux cas, les décisions semblent prises de façon arbitraire avec, pour unique objet, des économies de bouts de chandelle.
L'équipe du Théâtre de l'Aquarium, qui a appris la nouvelle en plein festival des Ecoles du théâtre public, a fait part de son inquiétude sur un ton ironique, non sans élégance, dans une lettre au ministère de la Culture. En attendant, une pétition circule pour soutenir le Théâtre de l'Aquarium et son directeur. Une autre circule aussi pour soutenir Sobel. Espérons que tout ceci ne soit que passager et que vienne bientôt l'heure du dialogue.