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Spectacle

Chalon dans la rue, tout le monde descend

La cité bourguignonne accueille jusqu’à dimanche la 29e édition du festival de danse, cirque et théâtre, dans un contexte de coupes budgétaires.
«Mù, cinématique des fluides», de la compagnie Transe Express. (Photo Michel Wiart)
publié le 23 juillet 2015 à 17h46
(mis à jour le 24 juillet 2015 à 10h20)

Chalon à la rue ? Pas encore, si l'on en croit la foule massée à un carrefour à la nuit tombée, yeux levés vers la dernière création populaire de Transe Express. La compagnie spécialiste des mobiles a confectionné au bout d'une grue une corolle géante révélant des musiciens en suspension. Un équilibre lui aussi fragile préside à cette 29e édition, qui confirme autant le dynamisme des compagnies que les craintes quant à son avenir. En 2015, les objectifs sont revus à la baisse avec 16 créations dans le in et 135 troupes dans le off, soit moins que l'an dernier et sans inauguration en fanfare.

Près de 200 000 spectateurs accueillis gratuitement ou à tarif tempéré (3 et 5 euros) sont attendus jusqu’à dimanche aux abords de la Saône, où se mêlent théâtre, danse et cirque à ciel ouvert.

Cluedo. La profusion de performances déambulatoires en milieu urbain invite le chaland à battre le pavé où se croisent une bergère d'escargots, une femme à barbe, un strip-tease forain sur un parking et des festivaliers en peignoirs chez la compagnie Thé à la rue, organisatrice d'une soirée façon thalasso. Au matin, le jeune collectif Random (Out), basé dans le Gers, réveille les voisins. Il occupe un immeuble d'où les comédiens sautent par les fenêtres avant d'entraîner le public dans un parcours où des clans vont s'affronter pour mieux s'émanciper. A quelques rues de là, la compagnie franco-américaine du Begat Theater orchestre la Disparition qui transforme la ville en Cluedo grâce à une narration transmédia. Le spectateur y est chargé d'enquêter à l'aide d'une tablette sur une romancière de polar volatilisée. La collecte d'indices se fait au gré de rendez-vous louches pris dans des ruelles, casque vissé sur les oreilles. Puis le soir venu, l'équipe d'habitués de Komplex Kapharnaüm transforme le centre-ville en décharge avec Do Not Clean, une installation monumentale in situ sur le déchet, à partir de projections sur les murs et de bennes à ordures.

Inquiétude. Cette manifestation qui partage avec Aurillac, en août, l'aura d'un Avignon des arts de la rue, a pour mot d'ordre cette année de «faire moins avec moins». Parent pauvre du spectacle vivant, la discipline l'est encore davantage dans un contexte d'hécatombe pour les festivals soumis aux coupes budgétaires, qui alimente un climat d'inquiétude. Le nouveau maire UMP de Chalon, Gilles Platret, houspillé par les intermittents l'an dernier, est l'auteur d'un récent arrêté antimendicité très décrié, interdisant les rassemblements et peu compatible avec l'esprit de convivialité dont se réclame ce joyeux capharnaüm. Sa politique culturelle, riche cette année en fastueuses commémorations napoléoniennes, fait grincer des dents.

Si Chalon reste la collectivité qui subventionne le plus les arts de la rue en France, la dotation provenant de la ville en 2015 a été amputée de 25 %. «On serre les boulons pour rétablir l’équilibre budgétaire de la ville», justifie Gilles Platret, tout en rappelant son «soutien» à la manifestation. Faute de fonds, l’Abattoir de Chalon, l’un des treize centre nationaux des arts de la rue (CNAR), risquerait de perdre son label. Inquiet pour l’avenir, le directeur artistique du festival, Pedro Garcia, se serre la ceinture et entend préserver tant bien que mal «l’ADN de Chalon dans la rue, qui est un festival de création avant d’être un marché pour la programmation. C’est pour cette raison que le public et les professionnels l’apprécient et que c’est une vitrine», martèle-t-il. Dans l’attente d’une éventuelle main tendue de la future région Bourgogne-Franche-Comté, une seule devise : «Ne rien lâcher.»