On donnerait cher pour passer la journée à procrastiner, pardon faire des recherches en flânant sur le Web avec Joris Lacoste. La Suite n°2 de son Encyclopédie de la parole, actuellement présentée au Festival d'Automne après un premier opus monté en 2013, en poursuit la lancée. Si le premier volet s'intéressait en chœur à la «parole ordinaire», dixit Lacoste, le second y injecte une dramaturgie: on assiste sur scène, coup sur coup, à une déclaration d'amour, aux vociférations d'un entraîneur de rugby, à celles d'un trader de Wall Street ou aux bribes entendues dans un avion en plein crash. Le tout retranscrit texto dans une partition pour cinq interprètes polyglottes face à leur pupitre, tous comédiens ou chorégraphes.
Le metteur en scène parisien, né en 1973, poursuit depuis une dizaine d'années une passionnante épopée du verbe qui consiste à mettre en scène de manière incongrue et stimulante, comme c'est le cas ici, un commentaire de combat de boxe, le discours d'un ministre sur la crise portugaise, un service client téléphonique ou encore l'orgasme de deux internautes par webcam interposée. La matière de ce marathon virtuose du langage, que l'on suppose en partie glanée dans des vidéos YouTube, est d'abord extraite puis recomposée, les textes produisant un mélange sonore hétéroclite à la fois juxtaposé, «monté», parfois superposé dans une cacophonie dissonante. Bon nombre de ces sources sont classées sur le site de l'Encyclopédie, un projet d'archivage en cours depuis huit ans. Evoquant l'actualité, l'intime, nivelant l'épique et le futile, Joris Lacoste a conçu un spectacle qui s'adresse aussi bien aux sémiologues qu'aux ados et qui relève autant d'un solide appareillage théorique que du bêtisier potache du Web. Bref, un «portrait sonore de notre monde» à travers les modalités du discours ambiant.