La psyché humaine est ainsi impénétrable qu'il existe désormais une télé-réalité australienne invitant ses candidats à jouer au réfugié syrien ou irakien traqué par l'Etat islamique. Evidemment, les finalités diffèrent entre ce genre d'initiative ostensiblement pathétique et Ticket, l'«expérience physique et sensorielle» aujourd'hui proposée par le musée national de l'Histoire de l'immigration et le collectif de théâtre Bonheur Intérieur Brut. Aucun opportunisme de leur part, on ne doute pas de la bonne foi de ces acteurs qui nous proposent de nous cacher, de courir, et de nous enfermer dans un conteneur pour sentir dans notre chair quelque chose du sort actuellement réservé aux migrants. Qui plus est, Ticket, présenté comme un spectacle immersif et documentaire, est solidement documenté et servi par des acteurs tout à fait honorables. Seulement, qu'est-ce qui pousse à penser sérieusement que l'empathie fonctionne mieux ainsi ? Que la dimension «attraction touristique» ne primera pas sur l'écoute attentive du témoignage de ces migrants ? Car, sans surprise, plus on tente de simuler, de manière inéluctablement dérisoire, leur réalité, plus on est violemment assigné à la nôtre. Réalité qui est présentement celle d'une journaliste courant laborieusement en talons sur des pavés du XIIe arrondissement de Paris, en train de prier un improbable dieu pour qu'une caméra de BFM TV n'ait pas eu l'ingénieuse idée de venir documenter, pile au même moment, cette expérience de gêne collective.
Critique
Un «Ticket» pour l’enfer des clandestins
A Paris, une performance d’une pertinence douteuse invite les spectateurs à éprouver le sort des réfugiés.
Publié le 28/04/2016 à 19h31
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