Avant que la pièce ne commence, les comédiens paraissent tapis dans l'obscurité comme les ombres d'un rêve. L'Institut Benjamenta s'ouvre par la voix de Jacob von Guten, un jeune garçon bien né qui s'est inscrit là pour apprendre à devenir un domestique, «un zéro tout rond» comme il dit. Tout au long de la pièce, il donnera ainsi régulièrement ses commentaires comme en voix off. Le roman de Robert Walser qu'adapte Bérangère Vantusso parle d'une forme de servitude volontaire. Pour illustrer cette uniformisation des esprits, elle introduit de grandes marionnettes hyperréalistes, des élèves troncs en uniforme. Elles sont sorties d'immenses boîtes en carton par quatre comédiens qui jouent la même partition gestuelle minutée et policée. Les acteurs les manipulent, parfois se manipulent entre eux, parfois les voix et les corps se trouvent dissociés, technique inspirée du bunraku japonais. Le grain de sable, c'est Jacob, qui se plaint de ne rien apprendre hormis la discipline, mais sans se révolter vraiment. L'autorité incarnée par le directeur, monsieur Benjamenta, semble petit à petit se fendiller dans cette pièce sciemment accentuée en huis clos. Les marionnettes, en doubles sociaux figés, sont finalement absorbées dans un tourbillon chatoyant splendide. Restent les humains et la promesse d'un nouveau monde à bâtir. Une traversée étrange, trop longue et chaotique au mitan, avec des accents fantastiques, qui procure réellement la sensation d'avoir rêvé.
«L'Institut Benjamenta», mise en scène Bérangère Vantusso, d'après Robert Walser, gymnase du lycée Saint-Joseph, jusqu'au 13 juillet à 15 heures. Du 22 au 24 novembre au théâtre de Sartrouville.