A cet instant, on regrette presque de ne pas l’avoir mise en colère. Ç'aurait été pour nous la seule occasion, sans doute, d’entendre la façon dont peut sonner un accent vietnamo-pied-noir sauce provençale. A 36 ans, Caroline Guiela Nguyen a perdu toute trace de sa voix d’antan mais, sous le coup de l’émotion, les fantômes peuvent débouler inopinément du placard. Il y a quelque temps, elle est retournée dans le village de l’arrière-pays varois où elle a grandi, Villecroze, 1 400 habitants, et a retrouvé dans sa maison d’enfance des enregistrements sonores de sa voix de jeunesse. «J’avais un accent assez prononcé, en fait. C’est fou comme, d’un seul coup, ça a été une façon de « mesurer l’écart » avec celle que j’ai été.» Le genre de document que cette auteure-metteure en scène doit conserver précieusement, elle qui commence toujours une création à partir «de choses ludiques et naïves». Par exemple, si elle creuse un jour du côté de l’histoire de son père, celle des pieds-noirs, elle partirait sûrement de l’accent. En revanche, pour visiter l’héritage maternel dans Saigon, grande fresque cinégénique sur l’exil des Vietnamiens en France, elle est partie de la cuisine. Peut-être parce que les noms de plats sont les seuls mots qu’elle connaît dans la langue d’origine. Aussi parce que «les viet-kieû [ »la diaspora », ndlr] s’engueulent tout le temps sur la « bonne » façon de préparer un pho. Comme s’ils cherchaient la vérité de ce qu’avait
Le portrait
Caroline Guiela Nguyen, réconciliée
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(Photo Manuel Braun pour Libération)
par Ève Beauvallet
publié le 16 janvier 2018 à 17h46
(mis à jour le 16 janvier 2018 à 18h27)
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