Anciens et nouveaux francs
PAR DOMINIQUE WOLTON, directeur de recherche au CNRS - Antoine Pinay reste le symbole de la création du nouveau franc en 1960. Trente-cinq ans après, la réforme n'est toujours pas passée dans la vie quotidienne. La preuve? Le fait tout simplement de parler encore de «nouveau franc». Pourtant, décennie après décennie, lentement et parfois douloureusement, le «nouveau franc» s'est imposé pour les sommes inférieures à 100 F, puis entre 100 et 1.000 F. Finalement la tranche de 10.000 F, c'est-à-dire de l'«ancien» million a été atteinte. Mais au-delà de 10 MF, tout le monde s'y perd et continue de parler en «anciens francs». Comme si au-dessus d'une certaine somme les chiffres et les symboles en anciens francs étaient plus parlants, comme si au-delà d'un certain montant le «nouveau franc» manquait d'ampleur émotionnelle, était trop modeste. Affaire de génération? Pas certain quand on remarque que des «vieux» de 40 ans, qui n'ont donc connu que le «nouveau franc», recourent aussi à cette conversion pour les sommes au-dessus de 100 MF. Sans parler des milieux sociaux et culturels ni des régions où, trente-cinq ans après, le nouveau franc n'a pas réussi à détrôner le «million» ancien... Une brique reste une brique. C'est plus parlant que dix mille francs.
Pourquoi insister sur la difficulté à faire entrer dans les moeurs une réforme monétaire? Parce qu'avec la monnaie on est au coeur de la société. Ce à quoi pense tout le monde, le vrai poumon d'une coll