Les nouveaux clivages politiques PAR
PIERRE ROSANVALLON, directeur d'études à l'Ecole des hautes études en sciences sociales.
- L'IRRUPTION de Lionel Jospin sur la scène présidentielle fausserait-elle la campagne? Le vrai débat serait-il entre Balladur et Chirac? C'est ce que déclarait curieusement ces jours derniers Philippe Séguin, dont la déclaration avait cependant le mérite de témoigner du sentiment que l'on a d'une certaine transformation des divisions politiques habituelles. De son côté, dans une de ses premières déclarations, Lionel Jospin reconnaissait que le clivage droite/gauche n'était plus évident, indiquant qu'il préférait distinguer entre «conservatisme» et «mouvement de progrès». Nous voilà bien loin de ce consensus mou que certains déploraient, il y a peu, tandis que d'autres n'hésitaient même pas à stigmatiser l'avènement d'une «pensée unique»! La logique électorale a au moins ceci de rafraîchissant qu'elle conduit mécaniquement à aiguiser les données de la vie politique. Il n'en reste pas moins que chacun sent bien en même temps que les grandes lignes traditionnelles de partage entre les intérêts et les opinions se sont déplacées.
Comment peut-on donc définir les ressorts des nouveaux clivages politiques dans un pays tel que le nôtre? On peut d'abord souligner un phénomène mécanique très simple: le clivage traditionnel droite/gauche peut toujours plus ou moins continuer de fonctionner lorsque la gauche est dans l'opposition. Po