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Libération
TRIBUNE

Politique d'intellectuels

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publié le 10 avril 1995 à 4h18

Dans les années 60-70, le pouvoir était l'objet privilégié de la

violence critique des intellectuels. Qu'il fusse institutionnel, religieux ou politique, il restait l'ennemi à combattre par des pratiques subversives en évitant les risques de compromission. Avec l'arrivée de la gauche au pouvoir, bien des intellectuels se sont engagés dans un vaste projet de transformation de la société, utilisant leurs critiques passées à des fins constructives pour l'avenir. Ils ont ainsi pris l'habitude d'être du côté du pouvoir et de considérer la subversion comme le souvenir d'une époque révolue pour cause d'idéalisme trop naïf. Les nostalgiques du marxisme peuvent encore rêver d'un contre-pouvoir capable de mettre en péril la souveraineté des Etats capitalistes, ils se trouvent acculés à l'abandon de leur imaginaire dialectique. Même les actions les plus revendicatrices s'accomplissent dans une ambiance d'assistance publique au pouvoir politique.

A l'insurrection contre la récupération succède l'apologie de l'intégration comme principe d'unification sociale. Le refuge du militant intellectuel, c'est l'action mobilisatrice en faveur des exclus de tout bord. Le renversement est de taille: l'enjeu consiste à défendre et promouvoir une pacification sociale et culturelle, au lieu de provoquer, par le jeu incessant de la transgression des règles institutionnelles, des effets de désintégration de l'ordre politique et économique.

La subversion devenue anachronique, la critique du pouvoir se veut