La société oubliée
Par Pierre Rosanvallon Il est une leçon que l'on peut tirer de la récente période électorale: les problèmes de la société trouvent mal leur expression dans la sphère politique. Il est en outre difficile d'oublier que près de la moitié des Français a encore voté pour des partis non institutionnels, dénonçant implicitement par là les déficits du système politique traditionnel.
Comment appréhender justement cette question de la distance entre la société et le système politique? Il est impossible d'en rester à une dénonciation aussi vague que générale des politiciens. Si une partie de ceux-ci vit dans des conditions qui n'ont rien à voir avec celles de leurs concitoyens, on doit pourtant constater que beaucoup d'entre eux sont, au contraire, en contact permanent avec les difficultés quotidiennes de leurs électeurs. Même si c'est par cynisme, l'homme politique doit d'une manière ou d'une autre s'afficher «au service» de la population. Dans l'extraordinaire film la Bataille de Clichy, la compagne de Didier Schuller n'hésite pas à dire crûment des électeurs qu'ils sont «comme les mômes ou comme les chiens, ne renvoyant leur affection qu'en échange de services». Le problème n'est pas que les hommes politiques soient personnellement coupés de leurs concitoyens, pris individuellement et particulièrement, mais qu'ils comprennent mal la société prise globalement. Tel est bien le paradoxe. Les députés, quelle que soit la formation à laquelle ils appartiennent, passent le