Un épisode récent: les étudiants manifestent et bloquent le TGV en
gare d'Angoulême. Leur flux s'écoule des deux côtés du train, le long des passagers immobiles derrière leurs vitres fumées. Quelques cris, slogans et vociférations mais contre qui? C'est comme s'ils aboyaient à un satellite artificiel. Car le TGV, c'est la réalité virtuelle qui passe, c'est la réalité virtuelle qui traverse la France in vitro incarnation de l'argent de la vitesse de tout ce qui circule confrontée à leur monde bien réel de chômeurs en puissance. Confrontation surréaliste de la flèche du temps et d'une jeunesse déjà révolue. Tout ce qu'ils arracheront à la transparence des riches, ce sont ces dix minutes d'immobilité, d'arrêt sur image en quelque sorte, dans le spectacle télévisuel dont ils sont les victimes.
Simple épisode en miniature du clash entre le réel et le virtuel et de ses conséquences fantastiques à l'échelle de la planète: dissociation entre un espace virtuel à très haute fréquence et un espace réel de fréquence nulle. Plus rien de commun entre eux, ni de communication: l'extension inconditionnelle du virtuel (qui n'inclut pas seulement les nouvelles images ou la simulation à distance, mais tout le cyberespace de la géofinance [Ignacio Ramonet] et celui des multimédias et des autoroutes de l'information) cette extension entraîne une désertification sans précédent de l'espace réel et de tout ce qui nous entoure. Il en sera des autoroutes de l'information comme de celles de la circul