Le triple malaise de la démocratie française
par PIERRE ROSANVALLON Le diagnostic n'est pas difficile à établir: la démocratie française se porte mal. Point n'est besoin pour le comprendre de recourir à de savantes études électorales tant les faits sont clairs et massifs. Les résultats du premier tour des élections municipales n'ont fait à cet égard que confirmer les choses. On peut certes mettre en regard de cette situation un certain nombre d'éléments qui peuvent sembler marquer un progrès dans l'Etat de droit: clarification des rapports entre justice et pouvoir politique, attention plus grande accordée à la protection des droits, accroissement du rôle d'un certain nombre d'institutions comme le Conseil constitutionnel. Mais si l'Etat de droit a progressé dans notre pays, on ne peut en dire autant des formes de la démocratie. On a déjà souligné ici un certain nombre de faits qui en témoignent, comme l'insuffisante écoute de la société par le système politique ou le déficit global de représentation. Ilexiste aussi d'autres facteurs. Trois institutions de base de la démocratie se trouvent ainsi minées aujourd'hui: la publicité des débats; le jury populaire; les formes directes d'expression de la volonté générale. Il en résulte une sorte de confiscation larvée de la démocratie qui est à la racine d'un certain nombre d'effets de décomposition, donnant aux citoyens un sentiment diffus de dépossession. Le désenchantement démocratique commence à faire sentir ses effets lorsque mon