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Libération
TRIBUNE

La grande lessive

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publié le 7 août 1995 à 7h37

Le blanchissement est l'activité primordiale de cette fin de siècle.

Les trois premiers quarts ayant plutôt fait l'objet d'une accumulation de maux, de violences, de corruption et de culpabilité, on se retrouve devant un déchet fantastique, engagés dans un travail de deuil indéfini de toutes les péripéties, les idéologies, les violences qui l'ont marqué. Repentirs, soldes, liquidations, ravalement de l'histoire. Blanchissement d'une histoire sale, de l'argent sale, des consciences corrompues, de la planète polluée.

Purification du souvenir ­ purification hygiénique de l'environnement ­ purification ethnique et raciale des populations. Mais la classe politique, en particulier, est entrée dans l'ère victimale du repentir. Chaque homme politique, tout homme en position de pouvoir, est aujourd'hui passible d'une inculpation virtuelle et doit être blanchi comme de l'argent sale. Il se doit de se soumettre sinon à un lavage de cerveau ­ ce serait un peu trop exiger ­ du moins à un lavage de réputation avant d'être remis en circulation, tout comme on lave le sang avant de le réinjecter dans le système artériel (c'est d'ailleurs ce qui n'a pas été fait dans le cas du sida et qui a valu à la classe politique son plus beau scandale depuis longtemps ­ le virus du sang contaminé circulant encore plus vite dans les réseaux du politique que dans les réseaux artériels des patients).

Il faut y passer et éventuellement afficher ses vices pour se refaire une vertu. C'est même devenu une sorte