La démocratie n'échappe pas à la règle qui veut que les systèmes ne
fonctionnent jamais mieux qu'à l'encontre de leurs propres règles et en dépit de leurs propres principes. C'est leur vice fondamental et les systèmes comme les individus tirent leur force de leur vice. Il faut toujours corriger Tocqueville par Mandeville et la Démocratie en Amérique par la Fable des abeilles. C'est cette joyeuse perversion, ce perpétuel détournement de principe qui est le plus exaltant dans la considération du politique. Toutes les grandes politiques s'en sont inspirées. C'est plutôt la fin de la raison cynique qu'il faudrait déplorer et l'avènement d'une raison sentimentale. La dégradation du politique se mesure à la tentative désespérée de s'identifier à ses propres principes et au repentir qui en résulte toujours dans l'exercice du pouvoir. Il en est du politique comme du paradoxe du comédien: s'il se confond avec ses propres principes comme celui-ci avec son propre personnage, l'illusion même du théâtre ou du politique est perdue. La scène est perdue. Si l'acteur se confond avec le spectateur, c'est la fin de tout.
Or le politique tel que nous le connaissons a sacrifié sa propre scène. En intégrant tout le monde comme figurant dans un grand élan sentimental et démagogique de participation, il a tué la distance qui est la règle du jeu fondamentale. La loi du nombre s'est substituée à la règle du jeu. Fin du théâtre, fin de la scène politique.
Nous fonctionnons nous-mêmes en pleine immorali